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mardi 5 novembre 2013

Prise illégale d'intérêt



Prise illégale d’intérêt : le grand retour de l’intention ?


 

CA Poitiers, 16 mai 2013, n° 13/00170


Véritable épée de Damoclès pesant sur nombre de décisions locales, le délit de prise illégale d'intérêt fait régulièrement l'objet de tentatives de réforme. En cause une interprétation extrêmement rigoureuse du texte législatif qui conduit les juridictions judiciaires à sanctionner l'acte objectif sans égard – ou trop peu – à l'intention coupable. Un arrêt récent de la cour d'appel de Poitiers témoigne cependant d'un plus grand pragmatisme et pourrait annoncer une évolution.




A lire dans  

lundi 14 janvier 2013

Concussion par Benoit Fleury

Concussion


Q – Le non recouvrement d’une taxe indue est-il constitutif du délit de concussion ?


Réponse du Ministère de la justice publiée au JOAN, Q. n° 5154, 25 décembre 2012, p. 7923.


Benoit-FleuryEn application de l’article 432-10 du Code pénal, « le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ».
La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler, au sujet de ce délit, d’une part, que « le délit de concussion n’est constitué que s’il y a eu ordre de percevoir et non ordre de paiement » (Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 27 juin 2001, n°00-83739 95-80784), d’autre part, qu’il s’agit d’un délit intentionnel (Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 13 mars 1995, n°93-84299).
A titre d’exemple de faits constitutifs du délit de concussion, il peut être cité la décision de la Cour de cassation en date du 16 mai 2001 (n°97-80888 99-83467) jugeant qu’entrait dans les prévisions de l’article 432-10 du Code pénal le fait pour un maire d’imposer à chaque promoteur ou particulier le paiement de 400 F (60,98 euros, ndlr) par logement construit dans sa commune, versé sur un compte occulte de l’office du tourisme, la perception de ces taxes n’étant prévue par aucun texte ni par une délibération du conseil municipal et donnant lieu à l’établissement d’une comptabilité spécifique établie manuellement.

lundi 24 décembre 2012

Association transparente par Benoit Fleury

Association transparente


Petit poison de la vie politique locale, l’association transparente s’invite dans les débats relatifs à la compétence juridictionnelle. La chambre criminelle de la cour de cassation vient en effet d’estimer que le juge pénal est pleinement compétent pour retenir cette qualification et en tirer toutes les conséquences (Crim. 7 nov. 2012, n° 11-82.961, MM. T., V. et C).

Les enjeux de la qualification ne sont pas neutres dans la mesure où lorsque la transparence d’une association est reconnue, l’organisme concerné devient une personne morale de droit public avec toutes les conséquences attachées. En particulier, les subventions dont elle a pu éventuellement bénéficier conservent la qualité de deniers publics. La gestion de fait des élus n’est alors plus très loin !

1 – Petit rappel


Une association est dite « transparente » à l’égard d’une collectivité locale (ou de l’Etat) lorsqu’elle se confond avec la collectivité qui l’a créée (la nouvelle société publique locale issue de la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 devrait pallier à cette pratique : voir en ce sens S. Damarey, La société publique locale ou la fin des associations transparentes : AJDA 2011, p. 934).

Juridiquement, la transparence se déduit de deux types de circonstances :
- l’absence d’existence juridique de l’association ;
- l’absence d’autonomie vis-à-vis du financeur.

La première situation – assez rare – correspond au cas où l’organisme bénéficiaire n’a aucune existence légale (sa constitution par exemple n’aurait pas été déclarée en préfecture).
Dans la seconde situation, l’association jouit de la personnalité morale, mais son existence légale n’est qu’un masque sous lequel la collectivité agit en fait directement. La transparence se déduira alors d’un faisceau d’indices (par exemple CE 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne-Billancourt) :
-         le degré d’indépendance des organes de direction et de gestion de l’association ;
-         l’origine des moyens dont elle bénéficie ;
-         son domaine d’activité ;
-         la qualité des dirigeants (voir en ce sens la réponse du Garde des Sceaux publiée au JOAN Q n° 59794 du 22 décembre 2009, p. 12337).

Ces critères ne sont pas cumulatifs. La transparence résulte d’une appréciation d’ensemble par le juge. Le plus souvent, il s’agira d’ailleurs du juge administratif, le conflit naissant à l’occasion de la contestation du versement de la subvention par un contribuable ou d’interrogations soulevées par les organes de l’Etat compétents. Mais il arrive également que le litige soit porté devant les juridictions de l’ordre judiciaire, comme dans l’affaire objet de ces quelques lignes.

2 – L’espèce


Benoit-Fleury-Conseil-General-GUDEn l’espèce, une commune avait attribué à une société, sans publicité ni mise en concurrence, un marché public relatif à l’organisation d’un festival international d’un montant de 1,3 million de francs. Le marché a été résilié par la commune sur demande du préfet. Un second contrat fut alors conclu dans les mêmes termes avec une association qui s’était vu allouer, par délibération du conseil municipal, une subvention d’un montant équivalent. En appel, le maire de la commune a été condamné pour atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics à un an d’emprisonnement avec sursis, 15.000 € d’amende et un an de privation des droits de vote et d’éligibilité. Le dirigeant de la société de son côté fut condamné pour recel à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 20.000 € d’amende. Les requérants demandaient alors à la cour de cassation l’annulation de ces condamnations en soutenant notamment que seul le juge administratif est compétent pour qualifier une association de « transparente ».

3 – Solution


L’arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 7 novembre est ainsi doublement intéressant, tant sur le principe que sur la méthode. Sur le principe d’abord, le juge pénal répond aux requérants en se déclarant pleinement compétent :
« lorsqu’une association est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et lui procure l’essentiel de ses ressources, le juge pénal est compétent pour qualifier cette association de transparent et en déduire que les contrats qu’elle conclut pour l’exécution de la mission qui lui est confiée sont des contrats administratifs soumis au code des marchés publics ».
Sur la méthode ensuite, le juge judiciaire applique le faisceau d’indices dégagé par le juge administratif, relevant notamment l’absence totale d’autonomie de l’association par rapport à la municipalité puisqu’en effet : 
-         son activité principale était la rédaction du journal d’informations de la mairie ;
-         son financement était exclusivement assuré par des subventions municipales sans autre apport, même minime ;
-         que le rôle de la présidente de l’association est décrit par le directeur de cabinet du maire et la secrétaire générale adjointe de la mairie comme purement honorifique ;
-         qu’aux yeux des tiers aucune distinction n’apparaissait entre l’association et la municipalité.

Même raisonnement, même punition !

mardi 11 décembre 2012

Benoit Fleury : droit pénal public (concussion)

Benoit Fleury : droit pénal public (concussion)


L’occupation du domaine public soulève de nombreux problèmes et flirte avec différents pans du droit. On a récemment souligné sur ce blog le lien entre une telle occupation et le principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Après le droit public des affaires, le droit pénal public s’invite dans une situation qui intéressera au premier chef les collectivités. La chambre criminelle de la Cour de cassation vient en effet de juger que le maire d’une commune qui s’abstient de passer un acte de vente d’un terrain municipal et permet ainsi l’occupation gratuite et non autorisée par le conseil municipal de ce terrain se rend coupable du délit de concussion (Crim. 10 oct. 2012, n° 11-85.914, MM. P. et T.).

1 – Rappel


On rappellera pour mémoire deux éléments clés de nature à éclairer le cas d’espèce :

 - d’une part le délit en tant que tel, défini par l’article 432-10 du code pénal comme « le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits et contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ». Le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende. Par ailleurs, « est puni des mêmes peines, le fait, pour les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise de droit, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ».

 - d’autre part l’onérosité de l’occupation privative du domaine public. Clairement énoncé par l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques (« toute occupation ou utilisation du domaine public […] donne lieu au paiement d’une redevance »), le principe est d’abord apparu sous une forme réglementaire (l’article 56 de l’ancien code du domaine de l’Etat) et s’est imposé en jurisprudence plutôt comme un principe de non-gratuité de l’occupation (v. par ex. CAA Marseille, 6 déc. 2004, Cne de Nice, n° 00MA01740 : Contrats et Marchés pub. 2005, 165, comm. G. Eckert).

2 – Faits


Dans notre affaire, la commune de Saint-Leu avait, par une délibération du 26 mai 2003, autorisé la vente d’une parcelle communale de 900 mètres carrés au prix de 38.000 euros, conformément à l’évaluation du service des domaines, au profit de M. Y. qui y fit édifier sa maison achevée en 2005. L’acheteur n’a cependant versé le prix de vente du terrain que le 6 décembre 2006 en sorte qu’il a bénéficié gratuitement de ce terrain pendant plus de trois années.
Pour avoir laissé se réaliser cette occupation privative gratuite du domaine public, le maire, élu en 2004 mais précédemment conseiller municipal, s’est vu poursuivre du chef de concussion.

3 – Matérialité du délit


Pour retenir la culpabilité du premier édile, la cour de cassation s’attache longuement à démontrer la matérialité des faits et l’intention frauduleuse.
Sur le premier point, les juges visent bien entendu la délibération que le maire ne pouvait ignorer en sa qualité de conseiller municipale à l’époque, mais également une attestation notariée du 30 juillet 2003 témoignant de l’échange des consentements sur la chose et le prix. Dès lors, il appartenait au maire, conformément à l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, d’exécuter les décisions du conseil municipal. L’avantage illégal procuré au bénéficiaire de la vente et la perte d’une ressource potentielle pour la commune trouvent ainsi leur origine dans les manquements du maire à ses obligations légales.
Sur le second point, la cour confirme l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion qui s’était appuyé, pour retenir l’intention frauduleuse, notamment sur différents témoignages et sur la proximité entre le maire et le bénéficiaire du terrain (son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet).

La Cour conclue ainsi
« qu’entre dans les prévisions de l’article 432-10 alinéa 2 du code pénal, le fait pour un maire d’exonérer l’acquéreur et occupant d’un terrain communal du paiement du prix de ce dernier en s’abstenant volontairement de passer l’acte de vente dudit terrain, autorisé par le conseil municipal, en violation de l’article L. 21222-21 alinéa 7 du code général des collectivités territoriales ».

4 – Jurisprudence antérieure


La solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation a en effet déjà eu l’occasion de reconnaître coupable de concussion un maire qui avait laissé son fils garagiste exposer des véhicules à la vente sur une des places de la commune devant son garage, en le dispensant sciemment du paiement de la redevance prévue par l’article L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales (Crim. 19 mai 1999 : Dr. pénal 2000, 100). Elle présente cependant l’immense vertu de rappeler aux élus locaux les risques qu’ils encourent en accordant trop facilement une occupation gratuite du domaine public.

Retrouvez cette chronique sur le Village de la justice.