Affichage des articles dont le libellé est domaine public (occupation). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est domaine public (occupation). Afficher tous les articles

mardi 19 novembre 2013

Redevance d'occupation domaniale

Redevance d'occupation domaniale 


Instaurer une redevance d'occupation privative du domaine public reste une obligation pour les Collectivités territoriales. C'est également un acte de gestion pertinent. 

Le mode d'emploi, à lire dans la Newsletter Pratiques métier de novembre 2013 publiée par Lexis Nexis. 

mercredi 9 janvier 2013

Benoit Fleury : toujours la redevance autoroutière

Toujours la redevance autoroutière


La domanialité publique et les concessions autoroutières forment toujours un petit cocktail explosif devant les juridictions, ainsi que l’illustre à nouveau un récent arrêt du Conseil d’Etat du 29 octobre 2012. Comme souvent, au cœur du litige : la mise en place par le concessionnaire d’une redevance d’occupation du domaine (CE 29 oct. 2012, n° 346610, Sté SANEF : JurisData n° 2012-024346 ; JCP A 2012, act. 770, obs. A. Duranthon).

1 – Les faits


En l’espèce, la société des autoroutes du nord de l’est de la France (SANEF) – concessionnaire d’autoroutes – avait réclamé à la société France Telecom, une redevance d’occupation du domaine public en contre partie de l’installation de ses réseaux sur le tracé des voies entre 1998 et 2002, par une facture en date du 23 décembre 2003. Le refus de l’opérateur de téléphonie porta l’affaire au contentieux.
Le tribunal administratif de Paris débouta la SANEF de ses prétentions (TA Paris, 23 juill. 2009, n° 0618382, SANEF) tandis que la cour administrative d’appel au contraire y fit droit en condamnant France Telecom au paiement d’une somme de 138.294,60 € H.T. augmentée des intérêts (CAA Paris, 16 déc. 2010, n° 09PA05781, SANEF). Le litige portait ici moins sur le principe de la redevance que sur les règles de prescription.

Benoit-Fleury-PoitiersSur le principe en effet, l’arrêt SANEF de la Haute juridiction s’inscrit à la suite de sa jurisprudence Escota de 2010 par laquelle elle a considéré que le contrat de concession pouvait parfaitement autoriser le concessionnaire à percevoir la redevance normalement due à la collectivité publique pour l’occupation de son domaine. France Telecom (déjà) soutenait l’inverse sur le fondement de l’article L. 47 du Code des postes et communications alors en vigueur qui prévoyait que l’occupation du domaine public donne lieu à versement de redevances à la collectivité publique propriétaire (CE 10 juin 2010, n° 305136, Sté autoroutes Estérel-Côte-d’Azur-Provence-Alpes : JurisData n° 2010-008794 ; JCP A 2010, act. 492 ; AJDA 2010, p. 1172, note E. Royer). La position du Conseil d’Etat est d’ailleurs en tout point semblable au décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 relatif aux redevances d’occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées prévus par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code des postes et des communications électroniques intervenu depuis.
Certainement échaudée par cette décision, la société France Telecom se place, dans notre affaire, sur un autre terrain : celui de la prescription. Elle argue en effet que l’action en paiement de redevances d’occupation du domaine public était prescrite en application de l’article 2277 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur et aux termes duquel :
« se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; des loyers, des fermages et des charges locatives ; des intérêts des sommes prêtées et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ».
Pour ajouter à la confusion, il convient de rappeler que le Conseil d’Etat avait en outre annulé en 2003 les dispositions du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif au montant maximal, aux modalités d’émission et de recouvrement des créances des créances des permissions de voirie accordées aux opérateurs de téléphonie qui prévoyaient le versement annuel desdites redevances (CE 21 mars 2003, n° 189191, SIPPEREC : Juris-Data n° 2003-065215 ; Rec. CE 2003, p. 144).

2 – Décision du Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat confirme ici la logique de la Cour administrative d’appel en estimant d’abord qu’aucune disposition autre que le décret de 1997 ou clause contractuelle ne régissait les modalités d’émission et de recouvrement des redevances d’occupation du domaine public autoroutier pour la période correspondant aux années 1998 à 2002, ensuite que la créance dont se prévalait la SANEF ne pouvait être regardée comme payable par année au sens de l’article 2277 du code civil pour conclure que France Telecom ne pouvait invoquer l’exception de prescription quinquennale.

mardi 11 décembre 2012

Benoit Fleury : droit pénal public (concussion)

Benoit Fleury : droit pénal public (concussion)


L’occupation du domaine public soulève de nombreux problèmes et flirte avec différents pans du droit. On a récemment souligné sur ce blog le lien entre une telle occupation et le principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Après le droit public des affaires, le droit pénal public s’invite dans une situation qui intéressera au premier chef les collectivités. La chambre criminelle de la Cour de cassation vient en effet de juger que le maire d’une commune qui s’abstient de passer un acte de vente d’un terrain municipal et permet ainsi l’occupation gratuite et non autorisée par le conseil municipal de ce terrain se rend coupable du délit de concussion (Crim. 10 oct. 2012, n° 11-85.914, MM. P. et T.).

1 – Rappel


On rappellera pour mémoire deux éléments clés de nature à éclairer le cas d’espèce :

 - d’une part le délit en tant que tel, défini par l’article 432-10 du code pénal comme « le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits et contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ». Le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende. Par ailleurs, « est puni des mêmes peines, le fait, pour les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise de droit, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ».

 - d’autre part l’onérosité de l’occupation privative du domaine public. Clairement énoncé par l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques (« toute occupation ou utilisation du domaine public […] donne lieu au paiement d’une redevance »), le principe est d’abord apparu sous une forme réglementaire (l’article 56 de l’ancien code du domaine de l’Etat) et s’est imposé en jurisprudence plutôt comme un principe de non-gratuité de l’occupation (v. par ex. CAA Marseille, 6 déc. 2004, Cne de Nice, n° 00MA01740 : Contrats et Marchés pub. 2005, 165, comm. G. Eckert).

2 – Faits


Dans notre affaire, la commune de Saint-Leu avait, par une délibération du 26 mai 2003, autorisé la vente d’une parcelle communale de 900 mètres carrés au prix de 38.000 euros, conformément à l’évaluation du service des domaines, au profit de M. Y. qui y fit édifier sa maison achevée en 2005. L’acheteur n’a cependant versé le prix de vente du terrain que le 6 décembre 2006 en sorte qu’il a bénéficié gratuitement de ce terrain pendant plus de trois années.
Pour avoir laissé se réaliser cette occupation privative gratuite du domaine public, le maire, élu en 2004 mais précédemment conseiller municipal, s’est vu poursuivre du chef de concussion.

3 – Matérialité du délit


Pour retenir la culpabilité du premier édile, la cour de cassation s’attache longuement à démontrer la matérialité des faits et l’intention frauduleuse.
Sur le premier point, les juges visent bien entendu la délibération que le maire ne pouvait ignorer en sa qualité de conseiller municipale à l’époque, mais également une attestation notariée du 30 juillet 2003 témoignant de l’échange des consentements sur la chose et le prix. Dès lors, il appartenait au maire, conformément à l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, d’exécuter les décisions du conseil municipal. L’avantage illégal procuré au bénéficiaire de la vente et la perte d’une ressource potentielle pour la commune trouvent ainsi leur origine dans les manquements du maire à ses obligations légales.
Sur le second point, la cour confirme l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion qui s’était appuyé, pour retenir l’intention frauduleuse, notamment sur différents témoignages et sur la proximité entre le maire et le bénéficiaire du terrain (son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet).

La Cour conclue ainsi
« qu’entre dans les prévisions de l’article 432-10 alinéa 2 du code pénal, le fait pour un maire d’exonérer l’acquéreur et occupant d’un terrain communal du paiement du prix de ce dernier en s’abstenant volontairement de passer l’acte de vente dudit terrain, autorisé par le conseil municipal, en violation de l’article L. 21222-21 alinéa 7 du code général des collectivités territoriales ».

4 – Jurisprudence antérieure


La solution n’est pas nouvelle. La Cour de cassation a en effet déjà eu l’occasion de reconnaître coupable de concussion un maire qui avait laissé son fils garagiste exposer des véhicules à la vente sur une des places de la commune devant son garage, en le dispensant sciemment du paiement de la redevance prévue par l’article L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales (Crim. 19 mai 1999 : Dr. pénal 2000, 100). Elle présente cependant l’immense vertu de rappeler aux élus locaux les risques qu’ils encourent en accordant trop facilement une occupation gratuite du domaine public.

Retrouvez cette chronique sur le Village de la justice.

jeudi 6 décembre 2012

Benoit Fleury : Domaine public (encore !)

Benoit Fleury : Domaine public (encore !)


L’occupation du domaine public, sujet récurrent de la vie des collectivités locales alimente la réflexion de la doctrine administrative.

1 – Commerce ambulant et occupation du domaine


Q – Le maire peut-il réglementer l’activité des commerçants ambulants ?


Réponse du Ministère de l’intérieur publiée au JO Sénat, Q. n° 00644, 29 novembre 2012, p. 2753.


« Lorsqu’une activité de commerce ambulant consiste à circuler sur la voie publique en quête d’acheteurs sans procéder à une occupation du domaine public, le maire ne peut en aucun cas subordonner l’exercice de cette activité à la délivrance d’une autorisation sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (CE, 28 mars 1979, Ville de Strasbourg, n°03810 06606).

Benoit-Fleury-conseil-general-GUDule
Aussi le maire ne peut-il exiger le versement d’un droit de stationnement par les professionnels ambulants en quête de clients lorsqu’ils se bornent à s’arrêter momentanément pour conclure une vente (CE, 15 mars 1996, Syndicat des artisans fabricants de pizzas non sédentaires Paca, n°133080). Le maire peut néanmoins, au titre de ses pouvoirs de police prévus à l’article L.2212-2-1° du Code général des collectivités territoriales (CGCT), «dans l’intérêt de la commodité et de la sûreté de la circulation», réglementer l’exercice du commerce ambulant dans les rues, notamment l’interdire dans certaines rues et à certaines périodes.

L’interdiction de l’exercice du commerce ambulant dans certains secteurs réservés aux piétons, limitée à une période de l’année, à certains jours et certaines heures, a été jugée adaptée aux circonstances de temps et de lieu et ne soumettant pas les intéressés à des contraintes autres que celles qu’impose le respect du bon ordre, de la sécurité et de la tranquillité de piétons dont l’affluence est importance aux jours et lieux visés par l’arrêté municipal (CE, 25 janvier 1980, n°14260 ; CE, 11 décembre 1985, Ville d’Annecy, n°67115).
De même, l’arrêté municipal qui interdit le commerce ambulant dans certains quartiers d’une ville touristique, dès lors que cette interdiction est motivée par l’agrément, la sécurité et la commodité des touristes est légal, les commerçants en question conservant la possibilité d’exercer leur activité dans d’autres secteurs également fréquentés par les touristes (CE, 23 septembre 1991, Commune de Saint-Jean-de-Luz, n°87629). En tout état de cause, le maire ne saurait interdire l’exercice du commerce ambulant sur l’ensemble du territoire de la commune sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (CE, 26 avril 1993, Commune de Méribel, n°101146).

2 – Terrasses de café


Q – Comment le maire attribue-t-il les autorisations d’occupation du domaine public pour les terrasses de café ?


Réponse du Ministère de l’intérieur publiée au JOAN, Q. n° 744, 27 novembre 2012, p. 7001.


« En application de l’article L.2213-6 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire peut « moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics sous réserve que cette autorisation n’entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce ».
L’installation d’une terrasse de café ne modifiant pas l’assiette de la voie publique, elle n’implique pas la délivrance d’une permission de voirie, mais d’un simple permis de stationnement (CE, 14 juin 1972, n°83682). Le maire est ainsi compétent pour délivrer un permis de stationnement à un commerce pour l’installation d’une terrasse sur le trottoir (CE, 5 octobre 1998, Commune d’Antibes, n°170895).
La délivrance des permis de stationnement relève du pouvoir de police spéciale de la circulation et du stationnement détenu par le maire et, à ce titre, ne nécessite aucune délibération du conseil municipal. En revanche, les montants des droits de stationnement sont déterminés par le conseil municipal.

Benoit-Fleury-conseil-general-GUDule
Ils peuvent être fixés par le maire, dans le cadre d’une délégation et dans les limites déterminées par le conseil municipal (article L.2122-22-2° du CGCT). Aucun texte d’ordre général n’impose que les conventions d’occupation domaniale soient conclues en respectant des règles de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat s’est récemment penché, à l’occasion du contentieux opposant la ville de Paris et l’association Paris-Jean-Bouin à l’association Paris-Tennis, sur la question de l’existence éventuelle d’une obligation de mise en concurrence pour la délivrance des autorisations d’occupation du domaine public.

Il a considéré, dans l’arrêt de section du 3 décembre 2010 (Ville de Paris, n°338272), que « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’imposent à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance [...] même lorsque l’occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ».
En conséquence, « si, dans le silence des textes, l’autorité gestionnaire du domaine peut mettre en œuvre une procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence, afin de susciter des offres concurrentes, en l’absence de tout texte l’imposant et de toute décision de cette autorité de soumettre sa décision à une procédure préalable, l’absence d’une telle procédure n’entache pas d’irrégularité une autorisation ou une convention d’occupation d’une dépendance du domaine public ».
Si aucun texte de droit interne ni les dernières jurisprudences n’imposent de procédure de publicité pour l’octroi d’une autorisation d’occupation du domaine public, les maires peuvent toutefois mettre en œuvre des mesures de publicité préalable avant de conclure une convention d’occupation du domaine public, notamment lorsque l’occupation privative du domaine public est liée à une activité de production, de distribution ou de services et que des administrés sollicitent la délivrance d’un permis de stationnement sur le même emplacement.
Ainsi le maire pourra choisir l’attributaire au regard de l’intérêt de la meilleure gestion économique et patrimoniale du domaine public, et non pas de manière discrétionnaire. Le maire doit également tenir compte des «usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d’y exercer» (CE, 3 mai 1963, Commune de Saint-Brévin-les-Pins).
En application du 1° de l’article L.2212-2 du CGCT, le maire assure « la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ». Ainsi, lorsqu’il accorde un permis de stationnement, le maire doit veiller à ce que l’occupation privative d’une partie du trottoir ne gêne pas la circulation des piétons. Le Conseil d’Etat a en effet jugé illégale une autorisation d’installer une terrasse qui avait pour effet «de réduire d’à peine plus d’un mètre la largeur du trottoir maintenue à la disposition des piétons et de gêner ainsi la circulation» (CE, 5 octobre 1998, Commune d’Antibes, n°170895).



mercredi 5 décembre 2012

Benoit Fleury : Domaine public et commerce

Benoit Fleury : Domaine public et commerce


Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le noter sur le blog du Village de la justice, l’occupation privative du domaine public aiguise de plus en plus les appétits tant les enjeux financiers peuvent être importants. La nature humaine fait le reste et le droit n’est jamais très loin de l’économie comme en témoigne merveilleusement une affaire récemment soumise à l’appréciation du Conseil d’Etat (CE 29 oct. 2012, n° 341173, Cne de Tours).

 1 – Les faits


Une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL Josse avait demandé, le 11 mai 2006, au maire de la commune de Tours, l’autorisation de prendre des clichés d’œuvres appartenant aux collections du musée des beaux arts de la commune. Ces photos étaient destinées à être par la suite publiées dans des ouvrages scolaires, des ouvrages d’art ou dans la presse. Le maire a implicitement rejeté cette demande.
Benoit-Fleury-GUD2
Vexée et ce d’autant plus que des autorisations de photographier des œuvres de ce musée avaient auparavant été délivrées à plusieurs reprises à des photographes professionnels dans le cadre de conventions particulières fixant les conditions de prise de vue et de leur utilisation, l’EURL Josse a saisi le juge administratif d’une requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du refus municipal.

2 – Position des juges du fond


Par un jugement du 20 janvier 2009, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté cette demande. Saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Nantes a en revanche accordé un accueil favorable à ces prétentions (CAA Nantes, 4 mai 2010, n° 09NT00705, EURL Photo Josse : AJDA 2010, p. 1475, chron. S. Degommier ; JCP A 2011, 2239 chron. C. Chamard-Heim). La cour raisonne en trois temps :

  elle rappelle d’abord la domanialité publique des œuvres d’art aux termes de l’article L. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, « Sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique, notamment : […] 8°) les collections des musées ». La prise de vue de ces œuvres est donc constitutive d’une utilisation privative du domaine public soumise à autorisation.
  Dès lors, cette utilisation doit respecter les principes en vigueur et notamment tenir compte de l’impact économique de l’activité exercée sur le domaine public :
« s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci peuvent être le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ».

Benoit-Fleury-GUD3  Ainsi, puisqu’il a eu des précédents, la Cour conclue qu’en n’examinant pas la possibilité pour l’EURL Josse d’exercer son activité dans des conditions compatibles avec les nécessités de la gestion du musée et du respect de l’intégrité des œuvres, le maire de la commune a méconnu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Rien de très surprenant en somme. Depuis l’arrêt Société EDA de 1999, les personnes publiques doivent en effet être attentives au respect de ce principe de la liberté du commerce et de l’industrie (CE 26 mars 1999, n° 202260, Sté EDA : Rec. Lebon, p. 96, concl. J.-H. Stahl).

3 – Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat cependant complète ce raisonnement par l’apport de sa jurisprudence RATP de 2012 suivant laquelle la décision de délivrer ou non une autorisation d’occupation du domaine public n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie  ; étant précisé toutefois que la personne publique ne peut délivrer une telle autorisation lorsqu’elle aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante (CE 23 mai 2012, n° 348909, RATP : JurisData n° 2012-010865 ; Contrats et Marchés publ. 2012, comm. 258, note S. Ziani).
La Haute juridiction confirme sa position en précisant au cas d’espèce ce qu’elle entend par l’éventuelle atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie :
benoit-fleury-gud«  la décision de refuser une telle autorisation [d’occupation privative], que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public ».

L’EURL Josse perd cette fois-ci, mais les personnes publiques doivent prendre la multiplication de ces contentieux comme autant d’avertissements. L’occupation du domaine public devient un enjeu économique essentiel auquel elles doivent prêter une attention accrue.

4 – Liens utiles


Retrouvez cette chronique sur le site du Village de la justice.

Plus de billets sur l’occupation du domaine public :

jeudi 22 novembre 2012

A propos de l'occupation du domaine public par Benoit Fleury

A propos de l’occupation du domaine public par Benoit Fleury


Le domaine public, on le sait, est de plus en plus souvent le siège d’activités économiques lucratives. Il faut relire ici la thèse du Professeur Philippe Yolka (La propriété publique. Eléments pour une théorie) pour saisir les enjeux des occupations privatives du domaine ; une matière qui, de fait, se trouve au confluent du droit administratif, du droit public des affaires et du droit communautaire… et qui occasionne un contentieux abondant. Le Conseil d’Etat a ainsi récemment été conduit à mettre en œuvre sa fameuse jurisprudence Béziers II relative à la loyauté contractuelle devant guider les relations entre les personnes publiques et leurs cocontractants (CE 11 oct. 2012, Sté France Orange, n° 351440 : JurisData n° 2012-022787 ; JCP A 2012, act. 699, obs. H. Touzeil-Divina ; AJDA 2012, p. 1931, obs. D. Poupeau).

1 – Les faits


Les faits de l’espèce objet de ce billet demeurent somme toute fort classiques. Une convention avait été signée en 2001 entre le CROUS de l’académie de Lille et France Telecom – devenue Orange France – pour permettre l’implantation d’équipements de communication électroniques sur le toit d’une des résidences universitaires de Wattignies. Une première délibération du CROUS de 2007 avait procédé à la résiliation unilatérale de ladite convention. Cette décision a été annulée par un recours en excès de pouvoir.
En conséquence, le CROUS s’est engagé sur la voie d’une résiliation contractuelle par une seconde délibération de 2009 en invoquant un motif d’ordre général : la réalisation en urgence de travaux d’étanchéité sur la terrasse du bâtiment en question. La société a derechef attaqué cette décision. Le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande (27 mai 2010, n° 0907546), mais la Cour administrative d’appel de Douai a annulé ce premier jugement (CAA Douai, 1er juin 2011, n° 10DA00826, CROUS Académie de Lille : JurisData n° 2011-014332 ; Contrats et Marchés publ. 2011, comm. 268, obs. F. Llorens).

2 – Regulation des relations contractuelles


Benoit-Fleury-Vendee-Domaine-publicPour résoudre le litige, le Conseil d’Etat commence par s’inscrire dans la « subjectivisation totale du contentieux des relations contractuelles dont il a pris l’initiative depuis quelques années » (pour reprendre la formule du Professeur Willy Zimmer dans ses observations sous CE 28 mars 2012, n° 356209, Région Champagne-Ardennes : JurisData n° 2012-009730 : Contrats et Marchés publ. 2012, comm. 262). Par ce mouvement, le juge du contrat a vu son champ d’intervention croître considérablement, notamment avec la possibilité offerte au cocontractant de l’administration de demander l’annulation des mesures d’exécution des contrats et tout spécialement les décisions de résiliation prises par les personnes publiques (CE 21 mars 2011, n° 304806, Cne Béziers : JurisData n° 2011-004285 ; Contrats et Marchés publ. 2011, comm. 150, note J.-P. Pietri ; Dr. adm. 2011, comm. 46, obs. F. Brenet et F. Melleray. Pour une application récente, voir également CAA Bordeaux, 31 janv. 2012, n° 10BX02230, Cne Rabastens de Bigorre : JurisData n° 2012-004877 ; Contrats et Marchés publ. 2012, comm. 124, obs. J.-P. Pietri). Jusqu’à cette jurisprudence dite Bézier II le cocontractant malheureux de l’administration devait se placer sur le terrain du contentieux indemnitaire et non sur celui de l’annulation.
La Haute juridiction poursuit ici son œuvre de régulation des relations contractuelles en expliquant que
« le litige dont ont été saisis les juges du fond par la société Orange France doit être analysé non comme un recours pour excès de pouvoir ayant pour objet l’annulation de la décision par laquelle le conseil d’administration du CROUS a demandé de résilier la convention passée avec la société Orange France, mais comme un recours de plein contentieux contestant la validité de cette résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles entre cette société et le CROUS ».

Benoit-Fleury-Vendee-Domaine-public

 

3 – Conséquences du principe de loyauté contractuelle


En déplaçant ainsi le contentieux, la Haute juridiction s’ouvre deux possibilités. Après l’examen des éventuels vices entachant la régularité de la décision de l’administration ou son bien fondé, elle peut soit faire droit à la demande de la reprise des relations contractuelles en octroyant le cas échéant une indemnité à la société pour le préjudice causé par la non-exécution du contrat, soit simplement se prononcer sur une indemnité.
Cette approche autorise le Conseil d’Etat à regarder de près les clauses de la convention. Au cas d’espèce, s’il ne conteste pas au propriétaire du domaine le droit d’apprécier la nécessité de réaliser des travaux dans l’intérêt du domaine et le cas échéant de mettre fin à la convention d’occupation, il souligne une erreur de droit consistant en l’ignorance d’une clause de ladite convention au terme de laquelle le gestionnaire du domaine s’engageait, en cas de travaux indispensables, à faire tout son possible pour trouver une solution de substitution afin de permettre au preneur de continuer à exploiter ses équipements. Le fait d’avoir « oublier » cette alternative contractuellement prévue justifie la cassation de l’arrêt et le renvoi devant la Cour administrative d’appel de Douai.
Une telle solution donnera pleine satisfaction aux tenants d’un rééquilibrage entre une puissance publique aux prérogatives exorbitantes du droit commun et une sphère privée parfois mise à mal. Reste qu’elle doit attirer l’attention des juristes de l’administration sur la rédaction souvent négligée des conventions d’occupation privative du domaine public.

Retrouvez cette chronique sur le blog du Village de la justice ou sur Legavox