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vendredi 14 décembre 2012

Benoit Fleury - Décompte général

Décompte général


Les praticiens le savent : le droit de la commande publique attache une grande importance au formalisme. Une décision de la Cour administrative de Bordeaux illustre ce point en soulignant à nouveau toute l’importance du décompte général en cas de résiliation d’un marché public (CAA Bordeaux, 23 oct. 2012, n° 11BX02842, SARL SODEXI et a.).

1 – Faits et procédure


A la suite d’une procédure d’appel d’offre, la communauté intercommunale du Nord de la Réunion (CINOR) a attribué, le 2 septembre 2003, au groupement composé de la SARL SODEXI, de la SARL Antoine Perreau Architectures et de la société SOGREA, dont le mandataire était la SARL SODEXI, un marché de maîtrise d’œuvre relatif à l’aménagement du site Bocage Niagara sur le territoire de la commune de Sainte-Suzanne pour un montant d’honoraire global et forfaitaire de 564.255 € H.T. calculé sur la base d’une enveloppe prévisionnelle des travaux estimée à la somme de 6.650.000 € H.T.
L’acte d’engagement a été signé le 2 octobre 2003. La représentation de la CINOR a été confiée à la société d’économie mixte d’aménagement, de développement, d’équipement de la Réunion (SEMADER) en qualité de mandataire.
Au cours de l’exécution du marché de maîtrise d’œuvre, l’avant-projet des travaux établi par le groupement de maîtrise d’œuvre a été réalisé sur la base d’une enveloppe prévisionnelle des travaux de 17.800.000 €, au lieu des 6.650.000 € H.T. fixés par le maître d’ouvrage dans l’acte d’engagement.
Estimant que cette étude d’avant-projet avait été acceptée tacitement à partir du 30 novembre 2004, à la suite d’un avis favorable émis par un comité de pilotage lors d’une réunion le 14 octobre 2004, le groupement de maîtrise d’œuvre a demandé une réévaluation de ses honoraires sur la base de son estimation de l’enveloppe prévisionnelle des travaux dans le cadre d’un avenant au marché. En l’absence de conclusion d’un avenant, le groupement de maîtrise d’œuvre a consigné le 18 février 2005 chez un huissier de justice le dossier d’avant-projet.
A la suite d’une mise en demeure restée infructueuse de lui restituer le dossier d’avant-projet avant le 28 mars 2005 pour que le maître d’ouvrage puisse procéder à l’acceptation de celui-ci en application des articles 3.5 et 3.6 de l’acte d’engagement, la CINOR a décidé le 6 avril 2005 de résilier le marché de maîtrise d’œuvre signé le 2 octobre 2003 aux torts exclusifs du groupement.
Le 29 avril 2005, la SARL SODEXI a adressé au maître d’ouvrage un document comportant les honoraires qu’elle estimait être dus au groupement de maîtrise d’œuvre au stade de l’exécution de ses prestations, faisant apparaître un solde à payer de 63.708,82 € T.T.C. En l’absence de toute réponse du maître d’ouvrage, la SARL SODEXI et la SARL Antoine Perreau Architectures ont saisi le juge du contrat d’une demande de règlement financier du marché. Par un jugement du 30 juin 2011 (n° 0700298), le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté leurs requêtes. Les deux sociétés ont relevé appel de ce jugement demandant respectivement 209.090,75 € et 82.677,69 €.

2 – Des conséquences de l’absence de décompte général


Benoit-Fleury-Conseil-General-Vendee
En l’espèce, le juge administratif a estimé qu’en l’absence de décompte de résiliation, il ne pouvait régler le litige. En pratique en effet, la décision de résiliation doit être accompagnée d’un décompte de liquidation, qui récapitule les débits et crédits du titulaire du marché après inventaire contradictoire des prestations réalisées ; étant précisé que ce décompte financier ne pourra être totalement établi au moment de la décision de la résiliation prononcée aux frais et risques. En effet, dans cette hypothèse, le règlement financier du marché initial ne pourra être fait qu’après exécution complète du marché de substitution.

  1. Cahier des charges et jurisprudence antérieure


S’agissant de prestations intellectuelles (PI) comme dans notre affaire, cette situation est expressément prévue par l’article 35.4 du cahier des clauses administratives générales en vigueur à l’époque des faits (devenu l’article 34.1 du nouveau CCAG-PI). Cette disposition doit être complétée par l’article 40.1 (devenu l’article 37) qui prévoit expressément qu’en l’absence de décompte de résiliation,
Benoit-Fleury-Poitiers
« le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l’objet, préalablement à toute instance contentieuse, d’un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché » et que « dans le cas où le maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte général, il appartient à l’entrepreneur, préalablement à la saisine du juge, d’adresser au maître de l’ouvrage une mise en demeure d’y procéder ».
Le décompte général apparaît ainsi, en droit des marchés publics, le document essentiel permettant aux parties de fixer, de manière précise, le montant dû par la personne publique au titulaire du marché. Il joue un rôle pivot essentiel, puisque sans lui aucune contestation financière de l’entreprise titulaire du marché ne peut réellement aboutir. La Cour administrative d’appel de Nantes avait ainsi eu l’occasion de rappeler ce rôle fondamental du décompte général et de sa procédure de contestation, au détriment d’une société qui avait saisi le tribunal administratif avant l’intervention de ce document figeant les rapports financiers entre l’entreprise et le maître d’ouvrage. Il s’agissait certes alors d’une réclamation intervenue au cours de l’exécution d’un marché de travaux, mais la logique est similaire :
« Considérant qu’en vertu de l’article 13-44 précité du CCAG-Travaux, l’entrepreneur peut produire une réclamation devant le maître d’œuvre, dès avant la notification du décompte général ; qu’il lui incombe toutefois de reprendre ladite réclamation qui n’aurait pas fait l’objet d’un règlement définitif, dans un mémoire en réclamation qu’il est tenu de produire à la suite de la notification du décompte général, s’il n’approuve pas celui-ci ; qu’à défaut du respect par l’entrepreneur de ces stipulations, le décompte général du marché devient définitif, nonobstant l’existence d’un litige pendant devant le juge administratif » (CAA Nantes 31 déc. 2004, n° 04NT00152, SA Cnim : Contrats publics, n° 45/2005, comm. S. Guillon-Coudray).

  1. Solution d’espèce


Dans notre affaire, le juge d’appel ne raisonne pas autrement. Il relève ainsi que postérieurement au courrier adressé par la SARL SODEXI le 29 avril 2005 – qui doit être regardé comme le décompte final – le maître d’ouvrage « n’a pas arrêté ni notifié le décompte de résiliation ». En conséquence,
« confrontée à l’absence de notification d’un décompte général par le maître d’ouvrage, la SARL SODEXI , mandataire du groupement, devait s’acquitter de l’obligation de présenter un mémoire en réclamation en mettant le maître d’ouvrage en demeure d’établir un décompte général ; que faute pour le maître d’œuvre d’avoir mis en œuvre cette procédure, la SARL SODEXI et la SARL Antoine Perreau Architectures ne sont pas recevables à saisir directement le juge du contrat d’une demande de règlement financier du marché ».
 

3 – Liens utiles


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