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mardi 20 novembre 2012

Critères d'attribution des MAPA par Benoit Fleury


Critères d’attribution des MAPA par Benoit Fleury


Nous avons déjà eu l’occasion sur ce blog de souligner l’importance du contentieux en matière de commande publique et, par là, la place centrale occupée par le juge administratif. Celui-ci poursuit son office et une récente décision éclairera les praticiens en matière de critère d’attribution des marchés à procédure adaptée (MAPA).

L’affaire GIE Groupement des poursuites extérieures, déjà évoquée à propos des marchés de prestations juridiques, fut également l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que même en procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur était tenu d’indiquer, en cas de pluralité de critères, leur hiérarchisation ou pondération.

En l’espèce, la Direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine avait publié un avis d’appel public à la concurrence le 1er février 2012 pour la passation d’un marché, selon une procédure adaptée, ayant pour objet l’intervention d’huissiers ou de structures d’huissiers de justice en vue du recouvrement amiable de créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux pris en charge par les comptables de la direction générale des finances publiques.

1 - Rappel des règles applicables en matière de MAPA


En MAPA, le pouvoir adjudicateur pouvant parfaitement retenir d’autres critères d’attribution que le seul prix, le règlement de consultation du marché litigieux prévoyait que les offres seraient classées en fonction de quatre critères ainsi énumérés :
  1) engagement et justification de l’huissier ou de la structure à respecter les dispositions des cahiers des charges en matière d’échanges dématérialisés ;
Benoit-Fleury-MAPA  2) dimensionnement de l’étude (nombre de collaborateurs dédiés au recouvrement des créances prises en charge par les comptables de la DGFIP, nombre de donneurs d’ordre pour lesquels l’étude travaille déjà, plages horaires de réception des appels en provenance de la DGFIP, capacité maximale de traitement par mois…) ;
  3) moyens techniques dont dispose l’huissier ou la structure à la réalisation de la phase comminatoire (envois de courriers, messages, relances téléphoniques, déplacements…) ;
  4) fréquence et stratégie d’utilisation des moyens techniques pour le traitement d’un dossier donné (nombre, rythme et nature des relances…)

2 - Motivation du requérant


Benoit-Fleury-MAPAUn candidat malheureux a saisi le juge du référé précontractuel en soulevant notamment l’absence d’indications précises quant à la mise en œuvre de ces critères. Le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine avançait de son côté que les critères étaient hiérarchisés par ordre d’importance. L’argument pouvait porter dans la mesure où la jurisprudence a récemment pu estimer que, en vertu de l’article 28 du Code des marchés publics qui incite le pouvoir adjudicateur à s’inspirer des règles de la procédure formalisée mais sans les rendre obligatoire, la pondération des critères de sélection des offres prévue à l’article 53 du Code pour les procédures formalisées, ne s’impose pas en cas de procédure adaptée ; et le juge de considérer qu’en ayant indiqué dans l’avis d’appel public à la concurrence que les offres seraient évaluées selon trois critères énoncés par ordre décroissant, le pouvoir adjudicateur a satisfait à son obligation d’information des candidats sur les critères d’attribution du marché (CAA Lyon, 5 avr. 2012, MPC Avocat, n° 10LY01016 : Contrats et Marchés publ. 2012, 187).

3 - Solution


Argumentation des juges du fond


Son argumentation n’a toutefois pas été retenue par le juge administratif de Cergy-Pontoise pour lequel le pouvoir adjudicateur « en n’indiquant pas avec suffisamment de précision les conditions de mise en œuvre de critères d’attribution du marché selon des modalités appropriées à l’objet aux caractéristiques et au montant dudit marché, le pouvoir adjudicateur a commis un manquement aux obligations de mise en concurrence » (TA Cergy-Pontoise, ord., 26 avr. 2012, n° 1202866). Le magistrat a, en conséquence, annulé la procédure.

Principe général


Benoit-Fleury-MAPAIl fait ici une application parfaite d’un principe général mis en avant par le Conseil d’Etat et imposant aux pouvoirs adjudicateurs de donner aux candidats une information appropriée sur les critères d’attribution des marchés (CE, sect., 30 janv. 2009, ANPE, n° 290236 : Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 121, note W. Zimmer). La Haute juridiction a d’ailleurs expressément étendu cette exigence aux procédures adaptées :
« Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l’exigence d’égal accès à la commande publique rappelés par le II de l’article 1er du même code ; que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l’article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d’application de celui-ci ; que pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à disposition des candidats ; que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en œuvre de ces critères » (CE 24 fév. 2010, Cté de communes de l’Enclave des papes, n° 333569 : Rev. Jurid. de l’économie publique 2010, comm. 38, note F. Brenet).

4 - Application par le Conseil d’Etat


Rien d’étonnant donc à ce que le Conseil d’Etat applique un raisonnement identique au cas d’espèce en précisant que le règlement de consultation ainsi rédigé ne peut être regardé comme ayant énoncé clairement que les critères d’attributions étaient hiérarchisés par ordre décroissant. Dès lors, le pouvoir adjudicateur n’a pas porté aux candidats une information appropriée sur les conditions de mise en œuvre des critères d’attribution du marché. Ce manquement est susceptible, dans l’esprit des sages du Palais royal d’avoir lésé le requérant qui aurait pu préciser son offre si le pouvoir adjudicateur avait clairement indiqué ses intentions. Peu importe à cet égard que l’ensemble des candidats aient été placés sur le même terrain.

Retrouvez cette chronique sur le Village de la justice et sur Legavox