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mercredi 14 novembre 2012

Clarification des compétences locales par Benoit Fleury

Clarification des compétences locales par Benoit Fleury


La clarification des compétences locales revient tel un « serpent de mer » de la décentralisation. Le « mille feuille » de l’administration territoriale est souvent accusé de doublons, de financements croisés coûteux… en un mot de gaspillage. Cette mise à l’index trouve une résonnance singulière en période de recherche d’économies drastiques. Difficile en effet d’envisager une approche des finances publiques sans regarder de près la dette des collectivités locales même si, du fait de leur obligation de voter des budgets en équilibre, celle-ci ne constitue pas la part essentielle de la dette publique. Dans ce contexte, mieux répartir les compétences entre les différents échelons territoriaux s’impose comme l’une des pistes privilégiées sous-jacente à chaque projet de réforme des collectivités : hier remise en cause de la fameuse clause générale de compétence (1), aujourd’hui accent mis sur la notion de chef de file (2).

1 - La clause générale de compétence et la réforme des collectivités territoriales de 2010


Quid ?

Codifiée aux articles L. 2121-29 (pour les communes), L. 3211-1 (pour les départements) et L. 4221-1 (pour les régions) du Code général des collectivités territoriales, la clause générale de compétence puise ses racines dans les grandes lois départementale et municipale du 10 août 1871 et du 5 avril 1884 qui disposaient successivement que le conseil général délibère « généralement sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi » et que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ».
Cette liberté d’intervention fondée sur l’intérêt local a été dénoncée à maintes reprises comme à l’origine de financements croisés aussi inefficaces que pesants pour les finances publiques. De nombreuses réflexions ont proposé ces dernières années la suppression de cette capacité d’action illimitée : ainsi du Rapport Caillosse de 2006 (L. Lemouzy, Le rapport Caillosse sur la clause générale de compétence : JCP A 2006, 1153), des travaux du sénateur Alain Lambert (Les relations entre l’Etat et les collectivités locales, nov. 2007) et bien sûr en dernier lieu le Rapport du comité Balladur (R. Noguellou, Le rapport Balladur : Dr. adm. 2009, alerte 23) à l’origine directe de la violente charge contre la clause générale lors de l’élaboration de la loi n° 2010-1563 de réforme des collectivités du 16 décembre 2010.
Après de vifs débats parlementaires, l’idée d’une suppression pure et simple fut abandonnée au profit d’une tentative de limitation des financements croisés et du principe d’exclusivité de l’exercice des compétences transférées. Il est vrai d’ailleurs qu’à cette occasion, la doctrine avait pu largement démontrer que les multiples interventions des différents échelons territoriaux dans un même domaine reposaient bien plus sur une législation touffue et pas toujours cohérente que sur la fameuse clause générale (v. en particulier G. Bachelier, Le débat sur la clause générale de compétence est-il vraiment utile ? : AJDA 2009, p. 186).

 

Actuellement

Le texte final affirme ainsi que les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif, sauf lorsque la loi prévoit, à titre exceptionnel, qu’une compétence est partagée entre plusieurs collectivités territoriales (ce qui est notamment le cas des compétences en matière de tourisme, de culture et de sport qui demeurent partagées entre les communes, les départements et les régions).
Une collectivité peut déléguer à une collectivité d’une autre catégorie (ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre) une compétence dont elle est attributaire, exclusive ou partagée, par convention d’objectifs et pour une durée limitée. Départements et régions, en dépit d’une spécialisation accrue de leurs compétences peuvent néanmoins se saisir, par délibération spécialement motivée, de « tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Dans les six mois suivant l’élection des nouveaux conseillers territoriaux, le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux peuvent élaborer conjointement un schéma d’organisation des compétences (qui fixe les délégations de compétences, l’organisation des interventions financières de la région et des départements en matière d’investissements et de fonctionnement) et de mutualisation des services.
Benoit-Fleury-Competence-LocaleLa loi de réforme de 2010 énonce également la règle d’une « participation minimale du maître d’ouvrage » au financement d’une opération d’investissement et celui du « non-cumul des subventions » du département et de la région à un projet communal ou intercommunal. Dans les grandes lignes, les départements peuvent contribuer au financement des opérations de maîtrise d’ouvrage des communes et de leurs groupements, la contribution des régions se limitant aux opérations d’envergure régionale. Les délibérations du département et de la région accordant une subvention font état de l’ensemble des subventions accordées au projet. Ces collectivités sont tenues d’annexer à leur compte administratif un état récapitulatif des subventions aux communes (objet, montant, rapport montant/population). En outre, toute collectivité territoriale (ou groupement) maître d’ouvrage assure une participation minimale au financement d’une opération d’investissement. Le seuil minimal de participation est fixé à 20 % du montant total des financements publics. Enfin, à compter du 1er janvier 2015, à défaut d’adoption d’un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre la région et les départements, aucun projet ne peut bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement et de fonctionnement du département et de la région, sauf ceux des communes de moins de 3500 habitants ou des communautés de moins de 50 000 habitants. Cette disposition n’est cependant pas applicable aux subventions de fonctionnement accordées dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme (quelle que soit la population des communes ou des EPCI), ni au-delà de 2015 si un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services a été adopté dans la région concernée.

2 - Des « chefs de file »


Benoit-Fleury-Competence-Locale-1Nouvelle approche

Aujourd’hui, le gouvernement renouvelle son approche de la clarification des compétences locales en insistant sur la notion de « chef de file ». Dont acte. Mais encore faut-il s’accorder sur cette notion car la recette n’est pas pleinement nouvelle. Dans son rapport thématique sur La conduite par l’Etat de la décentralisation (oct. 2009), la Cour des comptes relevait ainsi que pour contourner l’impossibilité de remédier frontalement à l’éclatement des compétences et à l’intangibilité de leur répartition, la notion de chef de file est apparue « comme un instrument d’ordre et e mise en cohérence » (p. 70). Le concept répond en fait à l’hypothèse dans laquelle il est difficile de transférer une compétence en bloc à un seul échelon territorial.
 La désignation d’un chef de file autorise alors une collectivité à organiser les modalités d’exercice de cette compétence partagée. Selon la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la fonction de chef de file est confiée aux départements pour l’action sociale (articles 49, 50 et 56) et aux régions pour l’action économique (article 1).

Et en pratique ?

En pratique cependant et à s’en tenir par exemple à cette dernière compétence économique, également examinée par les Sages de la rue Cambon, son exercice révèle une « confusion institutionnelle caractérisée » des interventions des différents échelons locaux ! Il n’est pas rare que sur un même bassin d’emploi, une dizaine ou plus de structures (toutes financées directement ou indirectement par les deniers publics) interviennent. Les magistrats financiers soulignent ainsi le caractère éclaté, complexe et peu coordonné des dispositifs (Les aides des collectivités au développement économique, rapport thématique, nov. 2007, chap. 1).
Ils démontrent que toutes les collectivités ou presque sont habilitées à définir ou mettre en œuvre autant de régimes d’aide qu’elles le souhaitent. Le constat dressé par la Cour est corroboré par le travail des Chambres régionales des comptes et le bilan final est sévère.
Benoit-Fleury-Competence-Locale-2Il insiste sur « la nécessité d’une redéfinition profonde d’une compétence frappée d’inefficacité et de réelle obsolescence ; sans que la responsabilité du chef de file confiée par la loi aux régions ait réussi à ordonner le système ».
Ce résultat est pour partie le fruit d’une absence de réel pouvoir de contrainte reconnu à la collectivité chef de file. Ainsi les schémas régionaux de développement économique sont-ils simplement concertés entre les régions et les autres acteurs publics. Les régions militent d’ailleurs en faveur de schémas « prescriptifs ». Et c’est bien ce que laissent entendre les premières annonces organisant l’acte III de la décentralisation. Reste à savoir comment s’articulerait ce « chef de filat » nouveau et l’article 72 de la Constitution prohibant la tutelle d’une collectivité sur une autre…

3 - Liens utiles 


Cour des comptes



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