dimanche 4 novembre 2012

Mémoire en réclamation par Benoit Fleury

Mémoire en réclamation par Benoit Fleury


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L’exécution des marchés publics suscite toujours de nombreux litiges, de la passation au règlement financier. Lors de cette dernière phase, quelque soit le type de marché (travaux, fournitures courantes et services, prestations intellectuelles), le titulaire peut faire valoir ses éventuelles réserves dans un mémoire en réclamation (une « lettre » pour les marchés passés sous l’emprise du nouveau cahier des clauses administratives générales – propriété intellectuelle) s’il estime que la prestation réalisée nécessite un complément de prix. Il s’agit d’un élément essentiel de la phase précontentieuse, attestant de l’existence d’un litige et en l’absence duquel il ne saurait y avoir de contentieux. Le formalisme encadrant les modalités de transmission ou le fond de ce document est à l’origine d’un contentieux nourri illustré par une décision du Conseil d’Etat en date du 3 octobre 2012 (n° 349281, Cté d’agglomération Reims Métropole).

En l’espèce, la communauté d’agglomération de Reims avait confié en 2002 un marché à bons de commande aux sociétés Champagne épandage et Traitement-Valorisation-Décontamination pour l’enlèvement et la valorisation des boues produites par une station d’épuration.
Par un courrier daté du 24 juillet 2006, les deux sociétés réclamaient une indemnisation compensant d’une part un manque à gagner du fait d’une commande inférieure au montant minimum initialement prévu et d’autre part une détérioration du matériel résultant de la mauvaise qualité des boues d’épandage.
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande en accordant respectivement aux deux requérants 145.000 et 249.514,42 € ; une décision annulée par le juge d’appel (CAA Nancy, 17 mars 2011, n° 10NC00836, Cté d’agglomération de Reims Métropole) au motif que le courrier du 24 juillet ne pouvait être considéré comme un mémoire en réclamation notamment en l’absence des bases de calcul des sommes réclamées.
Benoit-Fleury
Dans l’arrêt objet de ces quelques lignes, le Conseil d’Etat confirme la position de la cour en énonçant clairement « qu’un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation […] que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées ».
La Haute juridiction rappelle ainsi toute l’importance de la motivation de la réclamation. La Cour administrative d’appel de Versailles avait déjà eu l’occasion d’indiquer à propos d’une perte de production simplement énoncée, « qu’en l’absence de justification particulière propre à ce chef de préjudice, l’entreprise ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre (CAA Versailles, 27 janv. 2009, n° 05VE00710, SELARL Bellon).
La réclamation doit apparaître comme le « véritable miroir » (Lucie du Hays, Pierre Le Breton) du préjudice financier subi par le titulaire du marché. Se demande ne pourra prospérer, en dehors de toute responsabilité éventuelle de sa part, que si elle contient un exposé des faits ayant affecté les conditions d’exécution du marché et conduit à un déséquilibre financier entre le budget prévisionnel et le coût final de la réalisation.
Benoit-FleuryChaque poste de réclamation doit être ensuite présenté, quantifié et chiffré. Tout préjudice dûment justifié pourra alors être indemnisé, « frais de chantier », « frais de structure » ou « frais de fonctionnement » (CAA Bordeaux, 18 janv. 2005, n° 00BX01296, Sté Nord France Boutonnat ; CAA Paris, 22 mai 2007, n° 05PA02534, OPAC de Paris). Le mémoire en réclamation doit en quelque sorte répondre aux mêmes exigences qu’un mémoire introductif d’instance.
Si la solution énoncée par le Conseil d’Etat peut paraître rigide, elle s’inscrit fort logiquement à la suite d’une approche stricte de la phase précontentieuse par les sages du Palais royal. Ils ont en ce sens déjà pu juger qu’une lettre adressée par le requérant au maître d’ouvrage par laquelle il indique qu’il estime qu’un supplément d’honoraires doit lui être versé afin de tenir compte de travaux supplémentaires ne peut être regardée comme tenant lieu d’un mémoire en réclamation. Dès lors, le requérant n’est pas recevable à saisir le juge (CE 17 mars 2010, n° 310079, Cne d’Algolsheim).
De même, la production d’un document intitulé « mémoire de travaux » qui se limite à reproduire « le devis fourni par l’entreprise rebaptisé facture » ne peut être assimilé à un décompte final susceptible de soulever des réserves quant à l’exécution du marché (CE 15 fév. 2012, n° 346255, Cne de Souclin).
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