vendredi 16 novembre 2012

Actualité des marchés de prestations juridiques par Benoit Fleury

Actualités des marchés de prestations juridiques par Benoit Fleury


Depuis un arrêt de section du Conseil d’Etat de 1999, les prestations de conseil juridique, d’assistance et de représentation en justice relèvent des règles de la commande publique (CE, ass., 9 avr. 1999, Toubol-Fischer, n° 196177 ; v. également Rép. min. n° 77004 : JOAN Q 24 août 2010, p. 9338). Ils sont régis par les articles 28 et 30 du Code des marchés publics. Les praticiens dénoncent de plus en plus souvent les conséquences de cette soumission. Les dérives sont connues : prix dérisoires, marchés « aménagés »… L’objet de ces quelques lignes n’est cependant pas de revenir sur ces aspects, par ailleurs fort condamnables, mais d’évoquer l’actualité de ces marchés, marquée par de récentes décisions jurisprudentielles et une note technique de la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie. Deux décisions du juge administratif méritent d’être ici signalées aux côtés d’une récente fiche de la DAJ, déjà croisée sur ce blog.

1 – Quand les huissiers sont soumis au code des marchés publics


Benoit-Fleury-Marchés-Publics-VendeeLa première décision, de septembre 2012, ne ravira pas les pourfendeurs du tout concurrence puisque le Conseil d’Etat, dans la droite ligne de sa position précédente, énonce que le contrant confiant à des huissiers de justice le recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires dans lequel le cocontractant est rémunéré non par l’Etat mais par le versement de frais de recouvrement mis à la charge du débiteur ou du condamné est un marché public de services (CE 26 sept. 2012, GIE Groupement des poursuites extérieures, n° 359389).

2  - Le certificat de spécialisation est discriminatoire !


La seconde intéressera certainement plus les soumissionnaires aux marchés puisqu’elle touche aux critères de sélection ; un sujet toujours extrêmement sensible.

Pas de certificat de spécialisation


Dans un arrêt du 5 juin 2012, la Cour administrative d’appel de Douai a estimé que la détention d’un certificat de spécialisation (de droit public), imposée comme critère de sélection d’une valeur de 30%, n’était pas adaptée à l’objet du marché :
« Considérant que le marché litigieux est relatif à des prestations d’assistance et de représentation juridique de la communauté d’agglomération Amiens métropole, en action et en défense, dans les procédures pré-contentieuses et contentieuses, ainsi qu’à la réalisation d’études juridiques ponctuelles ; que les prestations en cause avaient trait au lot 1 compétence juridictionnelle administrative hors marchés publics et délégations de services publics, au lot 2 compétence juridictionnelle administrative en marchés publics et délégations de services publics et au lot 6 compétence juridictionnelle en contentieux fiscal ; que les critères d’attribution retenus étaient le mémoire technique et méthodologique, pondéré à 40 points, la spécialisation justifiée par le certificat de spécialisation mentionné par l’article 92-3 du décret susvisé du 27 novembre 1991, pondéré à 30 points, et le prix des prestations, pondéré à 30 points ; qu’eu égard à la technicité de ces prestations, l’objet du marché justifie objectivement le recours au critère tenant à la spécialisation des candidats dans les contentieux propres à chaque lot ; qu’en revanche, l’exigence exclusive pour satisfaire ce critère de justifier de la possession du certificat de spécialisation susmentionné, qui conditionne l’attribution des 30 points associés à ce critère sur un total de 100, n’est, d’une part, pas justifié par des exigences propres au marché en cause et, d’autre part, a eu un effet excessif sur la sélection des offres ; que par suite, les décisions attribuant les lots 1, 2 et 6 ont été prises à la suite d’une procédure irrégulière » (CAA Douai, 5 juin 2012, Cabinet MPC Avocats, n° 11DA00464).
Sans mettre un terme à l’exigence du certificat de spécialisation, le juge administratif freine considérablement son recours et pose in fine la question, pour les pouvoirs adjudicateurs, des conditions d’appréciation des capacités professionnelles des candidats. A cet égard, il convient de rappeler les grandes lignes à respecter, telles qu’elles sont énoncées par la doctrine administrative.

Quels critères retenir ?


Le pouvoir adjudicateur doit distinguer les renseignements demandés au titre de la sélection des candidatures de ceux qui le sont au titre de l’examen des offres. La capacité technique des candidats est appréciée au stade de la sélection des candidatures.
Le pouvoir adjudicateur peut exiger des candidats des renseignements ou documents qui permettent d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières. Il doit veiller à ce que les renseignements demandés ne portent pas atteinte aux obligations déontologiques auxquelles les professionnels du droit sont soumis. Il incombe à chaque candidat à un marché public de respecter la législation applicable à sa profession en ce qui concerne les règles régissant le secret professionnel, sans que le pouvoir adjudicateur ait à le rappeler dans l’avis d’appel à concurrence. La personne publique doit uniquement s’abstenir d’imposer des prescriptions qui conduiraient les candidats à méconnaître les règles légales ou déontologiques s’appliquant à leur profession (CE, 7 mars 2005, Communauté urbaine de Lyon, n° 274286).
Benoit-Fleury-Marchés-Publics-VendeeLe pouvoir adjudicateur peut également demander aux candidats de fournir des références de marchés de services juridiques similaires conclus par les intéressés, sous réserve que les références permettant d’identifier les personnes publiques concernées soient soumises à leur accord préalable et exprès (CE, 6 mars 2009, Cne Aix-en-Provence, n° 314610). La valeur technique de la prestation proposée par les candidats est appréciée au stade de l’examen des offres. Afin d’apprécier la valeur technique des offres, le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats de préciser selon quelles modalités ils exécuteront leur prestation. Ces modalités sont propres à chaque type de prestation juridique, au regard de l’objet du marché. Le pouvoir adjudicateur pourra choisir l’offre économiquement la plus avantageuse sur le fondement de critères relatifs, notamment, aux délais d’exécution, à la composition de l’équipe dédiée et au prix (Rép. min. n° 63789 : JOAN Q 9 mars 2010, p. 2703 : Contrats et Marchés publ. 2010, comm. 197, note B. Roman-Sequense).

3 – Fiche de la DAJ


Ces critères sont repris et détaillés dans la toute récente fiche technique que la Direction des affaires juridiques du ministère de l’économie consacre aux marchés de services juridiques. Elle liste également les questions indispensables et spécifiques que suppose la phase préalable de la définition des besoins. Elle rappelle en outre que l’allotissement se fait selon le domaine du droit concerné, la nature des prestations ou même le barreau de rattachement et encourage le recours aux marchés à bon de commande. Enfin, elle précise que le prix sera le plus souvent unitaire et fixé à l’heure ou à la tâche.

Retrouvez cette chronique sur le site du Village de la justice.



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